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Fiche 6 - Terminer son récit

Publication : (actualisé le ) par le Webmaster

Il faut accorder une attention toute particulière à la fin de la nouvelle, dernière chance de marquer l’esprit du lecteur et de le conduire à réfléchir ou plonger dans un monde imaginaire, voire à lire une seconde fois le récit à la recherche de ce qui aurait pu lui échapper. C’est également un lieu stratégique pour proposer des formules stylistiquement travaillées ou délivrer un enseignement, implicite ou explicite.

Plusieurs solutions s’offrent à vous pour terminer le récit en beauté.

La plus élémentaire

Vous pouvez résoudre tous les éléments de l’intrigue et révéler tous les mystères développés au cours du récit. La leçon, le message ou la morale de l’histoire est clairement exprimé dans le passage qui conclut la nouvelle, ce qui donne un sentiment d’achèvement et de complétude.

[**Exemple de résolution :*]

La nouvelle « La morte amoureuse » de Théophile Gautier,
issue du recueil Récits fantastiques.

Un jeune prêtre rencontre une femme sulfureuse dont il tombe éperdument amoureux et grâce à laquelle il mène une double vie : jeune seigneur mondain recherchant les plaisirs dans ses rêves et prêtre attaché à une paroisse défavorisée pendant le jour. Après avoir découvert la nature vampirique de la jeune femme, il se laisse convaincre par un autre prêtre de détruire le corps de cette dernière, encore intact dans son cercueil, mission qu’il accomplit le cœur serré.

« Je baissai la tête ; une grande ruine venait de se faire au-dedans de moi. Je retournai à mon presbytère, et le seigneur Romuald, amant de Clarimonde, se sépara du pauvre prêtre, à qui il avait tenu pendant si longtemps une si étrange compagnie. Seulement, la nuit suivante, je vis Clarimonde ; elle me dit, comme la première fois sous le portail de l’église : « Malheureux ! malheureux ! qu’as-tu fait ? Pourquoi as-tu écouté ce prêtre imbécile ? n’étais-tu pas heureux ? et que t’avais-je fait, pour violer ma pauvre tombe et mettre à nu les misères de mon néant ? Toute communication entre nos âmes et nos corps est rompue désormais. Adieu, tu me regretteras. » Elle se dissipa dans l’air comme une fumée, et je ne la revis plus.
Hélas ! elle a dit vrai : je l’ai regrettée plus d’une fois et je la regrette encore. La paix de mon âme a été bien chèrement achetée ; l’amour de Dieu n’était pas de trop pour remplacer le sien. Voilà, frère, l’histoire de ma jeunesse. Ne regardez jamais une femme, et marchez toujours les yeux fixés sur terre, car, si chaste et si calme que vous soyez, il suffit d’une minute pour vous faire perdre l’éternité. »

La plus recherchée

Nombre d’auteurs aiment à terminer leur récit par une chute, c’est-à-dire par un coup de théâtre, par définition inattendu, qui déstabilise le lecteur et peut le conduire à relire la nouvelle pour rechercher les indices qu’il n’avait pas repérés à la première lecture.

Cette option, pour efficace qu’elle soit, nécessite du doigté et de la nuance : il faut à la fois distiller des indices préparant la chute pour que celle-ci ne soit ni insolite ni incongrue et savoir les rendre anecdotiques pour ne pas trop attirer l’attention du lecteur et empêcher la surprise finale.

Quiproquos, malentendus, retournements de situation sont autant de variations possibles. À partir de ce schéma initial consistant à ménager une issue surprenante, vous pouvez également imaginer d’autres raffinements, comme par exemple deux chutes successives, une fausse résolution puis la véritable, etc.

Attention toutefois à ne pas brouiller trop savamment les pistes et à ne pas perdre le lecteur. La simplicité reste souvent très efficace !

[**Exemple de nouvelle à chute :*]

La nouvelle « Pauvre petit garçon » de Dino Buzzati,
issue du recueil Le K

Durant le récit, le lecteur est appelé à compatir au sort d’un petit garçon au physique disgracieux martyrisé par de grands et forts garçons blonds et méprisé par sa mère, jusqu’à ce que les derniers mots de l’histoire révèlent l’inattendu.

« Le garçon leva les yeux, reconnaissant, il essaya de sourire, et une sorte de lumière éclaira un bref instant son visage pâle. Il y avait toute l’amère solitude d’une créature fragile, innocente, humiliée, sans défense ; le désir désespéré d’un peu de consolation ; un sentiment pur, douloureux et très beau qu’il était impossible de définir. Pendant un instant – et ce fut la dernière fois – il fut un petit garçon doux, tendre et malheureux, qui ne comprenait pas et demandait au monde environnant un peu de bonté.
Mais ce ne fut qu’un instant.
« Allons, Dolfi, viens te changer ! » fit la mère en colère, et elle le traîna énergiquement à la maison.
Alors le bambin se remit à sangloter à cœur fendre, son visage devint subitement laid, un rictus dur lui plissa la bouche.
« Oh ! ces enfants ! quelles histoires ils font pour un rien ! s’exclama l’autre dame agacée en les quittant. Allons, au revoir, madame Hitler ! »

La plus mystérieuse

Vous pouvez également privilégier une fin ouverte, soit parce que vous laissez planer le doute sur la réalité de ce qui s’est passé, soit parce que l’intrigue proprement dite appelle de nouveaux rebondissements, soit parce que le mystère n’est pas entièrement résolu. Cette fin suggère l’existence d’un après-texte que le lecteur est libre de concrétiser et sur lequel il peut laisser sa propre imagination se déployer.

Plutôt que de chercher à tout prix à surprendre le lecteur, l’auteur cherche dans ces cas-là à créer une attente et à prolonger quelques instants la magie du récit.

Quelques exemples de doutes que vous pouvez laisser planer à la fin d’une nouvelle fantastique :

  • la dimension réelle ou au contraire surnaturelle des événements racontés
  • le statut de ce qui est relaté (est-ce réel ? fictif ?)
  • l’identité du personnage principal (est-il une victime ou un monstre ?)
  • la personnalité du personnage principal (est-il fou ou sain d’esprit ?)
  • le lieu ou/et l’époque où se déroule l’histoire.
  • etc.

[**Exemple de fin ouverte (et qui laisse planer de multiples doutes) : *]

La nouvelle « Le Horla » de Guy de Maupassant,
issue du recueil éponyme.

Le narrateur affronte le Horla, créature immatérielle, surnaturelle et mystérieuse, et tente de mettre fin à son existence en incendiant sa maison, après l’avoir enfermé à l’intérieur.

« Soudain le toit tout entier s’engloutit entre les murs, et un volcan de flammes jaillit jusqu’au ciel. Par toutes les fenêtres ouvertes sur la fournaise, je voyais la cuve de feu, et je pensais qu’il était là, dans ce four, mort…
— Mort ? Peut-être ?... Son corps ? son corps que le jour traversait n’était-il pas indestructible par les moyens qui tuent les nôtres ?
S’il n’était pas mort ?... seul peut-être le temps a prise sur l’Être Invisible et Redoutable. Pourquoi ce corps transparent, ce corps insaisissable, ce corps d’Esprit, s’il devait craindre, lui aussi, les maux, les blessures, les infirmités, la destruction prématurée ?
La destruction prématurée ? toute l’épouvante humaine vient d’elle ! Après l’homme, le Horla. – Après celui qui peut mourir tous les jours, à toutes les heures, à toutes les minutes, par tous les accidents, est venu celui qui ne doit mourir qu’à son jour, à son heure, à sa minute, parce qu’il a touché la limite de son existence !
Non… non… sans aucun doute, sans aucun doute… il n’est pas mort… Alors… alors… il va donc falloir que je me tue, moi !... »

[(Cette liste des fins possibles n’est bien sûr pas exhaustive. Vous pouvez toutefois vous en inspirer pour conduire votre récit, pour ne pas oublier que tout récit tend nécessairement vers sa fin et que celle-ci impose à la fois des contraintes logiques et stylistiques.

Enfin, n’oubliez pas l’essentiel : faites-vous plaisir en écrivant, c’est l’un des plus sûrs moyens pour que le lecteur ait, lui aussi, du plaisir à la lecture du texte que vous proposerez.
)]