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Fiche 4 - Comment créer une atmosphère

Publication : par le Webmaster

Dans une nouvelle fantastique, il est important de créer une atmosphère angoissante ou du moins inquiétante, soit dès le début de la nouvelle, soit au cours du récit, par exemple aux moments précédant les principales péripéties.

Quelques conseils...

L’atmosphère que vous allez créer va être étroitement liée au cadre, ou si vous préférez au décor, dans lequel se meuvent les personnages de l’histoire. L’évocation d’un lieu ou la description d’un paysage ne servent en effet pas uniquement à situer l’histoire sur le plan spatial et temporel ; elles permettent également de susciter des émotions chez le lecteur et revêtent une dimension symbolique.

Certains auteurs n’hésitent pas à mettre en scène le décor, voire à lui donner le statut d’un véritable personnage (contre lequel lutte le héros ou qui surgit comme un obstacle insurmontable etc.). D’autres, à l’instar des auteurs romantiques, en font le miroir du personnage principal et peignent les sentiments ou la situation de ce dernier à travers le lieu évoqué.

Planter le décor consiste donc aussi à s’interroger sur ce que symbolisent les lieux représentés, sur les émotions que l’on veut susciter chez le lecteur et aux moyens d’y parvenir :

  • Evoquez-vous un lieu familier qui se révèle finalement hostile au personnage et source de dangers ?
  • Evoquez-vous au contraire un lieu perçu d’emblée comme angoissant ? est-ce une impression trompeuse, illusoire ou au contraire confirmée par la suite des événements ?

Comme pour le langage et le style de votre nouvelle, n’hésitez pas à jouer avec les clichés et à tromper l’attente des lecteurs : si une sombre forêt évoque facilement les dangers, mettez en scène un héros qui sursaute à tous les bruits mais qui ne rencontre jamais la créature surnaturelle attendue, le danger venant finalement de lui-même ou d’un compagnon, sans lien avec le décor ; à l’inverse, les lieux d’intimité sont perçus comme rassurants et vous pouvez en montrer la métamorphose surprenante… Le jeu avec le cliché, qui crée une complicité avec le lecteur, est parfois plus fécond que le refus d’y succomber !

Le ou les passages consacrés au décor doivent donc faire l’objet d’une attention particulière et ils constituent des moments privilégiés pour la relecture, et donc pour la réécriture.

Exemple de réécriture

**Premier jet

Phrase essentiellement informative, même si les éléments du décor sont déjà là.

Les branches d’un arbre enlevaient toute visibilité au jeune garçon caché derrière le muret.

**Première réécriture

Créer un sentiment de danger et de vulnérabilité à travers des métaphores, des personnifications, des comparaisons, des modalités de jugement : les branches sont associées à l’image du dénuement, donc de la fragilité, et sont ainsi en partie personnifiées ; le muret ne doit pas apparaître comme un véritable rempart.

Les branches dénudées d’un arbre enlevaient toute visibilité au jeune garçon, tapi derrière l’abri dérisoire d’un muret.

**Deuxième réécriture

Toucher le lecteur, le pousser à s’identifier au héros ; le lecteur doit pouvoir visualiser la scène en se mettant à la place du héros, d’où un changement possible de focalisation (que voit-il ? que ne voit-il pas ? Indications de couleurs ? Eventuellement verbes de perception ? Utilisation des différents sens ? Sentiments éprouvés ?)

Les branches dénudées d’un arbre se découpaient sur le ciel sombre et occultaient l’horizon devant les yeux paniqués du jeune garçon, tapi derrière l’abri dérisoire du muret.

**Troisième réécriture

Eviter les lourdeurs de style et le lyrisme gratuit, quitte à supprimer certains éléments rajoutés ou à reformuler des éléments de la phrase.

Les branches dénudées d’un arbre se découpaient sur le ciel sombre, cachant l’horizon au jeune garçon, tapi derrière l’abri dérisoire du muret.

Etc. etc.

[(Attention, la nouvelle par définition est un art de la concision et il faut prendre garde aux possibles excès : il faut adapter la quantité de texte consacrée au décor à la longueur de la nouvelle elle-même et éviter les longues envolées lyriques qui n’ont d’autre fin qu’elles-mêmes. N’oubliez pas que la réécriture peut consister à ajouter du texte, mais également à élaguer et à supprimer.)]

Quelques exemples de décor

Voici l’incipit de deux nouvelles de Dino Buzzati, issues du recueil Nouvelles inquiètes :

« Vers dix heures et demie du soir, le soldat X, sentinelle sur le chemin de ronde de l’enceinte du fort, vit une ombre noire se glisser du fond des douves et grimper le long du talus : le ciel était nuageux et la nuit, de ce fait, sombre. Il lui sembla que l’ombre avait grossièrement la forme d’une grande limace. Il ne l’avait jamais vue, et pourtant il la reconnut aussitôt, parce que en sa présence l’homme éprouve des nausées, le froid l’envahit, et il comprend tout de suite de quoi il s’agit même si c’est la première fois qu’il la rencontre. »

[/Dino Buzzati, Nouvelles inquiètes, « Le dernier combat »/]

« De la fenêtre de ma chambre, je regarde en bas l’avenue Maino. Il est deux heures du matin, j’ai l’impression que même les réverbères sont fatigués. Comme les maisons alentour, comme les hommes qui dorment dans les maisons, comme les automobiles qui, à cette heure-ci, au lieu de passer à toute allure, selon leur habitude, se traînent comme des escargots en frôlant les trottoirs, donnant toujours l’impression de vouloir s’arrêter d’un moment à l’autre, et quelques-unes en effet s’arrêtent parfois, une ou deux minutes, puis repartent. »

[/Dino Buzzati, Nouvelles inquiètes, « Avenue Maino » /]

Voici l’extrait d’une nouvelle de Théophile Gautier issue du recueil Récits fantastiques :

« Cet appartement était aussi confortablement meublé que peut l’être une garçonnière. Mais comme un intérieur prend à la longue la physionomie et peut-être la pensée de celui qui l’habite, le logis d’Octave s’était peu à peu attristé ; le damas des rideaux avait pâli et ne laissait plus filtrer qu’une lumière grise. Les grands bouquets de pivoine se flétrissaient sur le fond moins blanc du tapis ; l’or des bordures encadrant quelques aquarelles et quelques esquisses de maîtres avait lentement rougi sous une implacable poussière ; le feu découragé s’éteignait et fumait au milieu des cendres. La vieille pendule de Boule incrustée de cuivre et d’écaille verte retenait le bruit de son tic-tac, et le timbre des heures ennuyées parlait bas comme on fait dans une chambre de malade ; les portes retombaient silencieuses, et les pas des rares visiteurs s’amortissaient sur la moquette ; le rire s’arrêtait de lui-même en pénétrant dans ces chambres mornes, froides et obscures, où cependant rien ne manquait du luxe moderne. »

[/Théophile Gautier, Récits fantastiques, « Avatar »/]